En Essonne, le Commissariat à l’énergie atomique fait trembler les statues
Un projet européen est actuellement accueilli sur la plateforme d’expérimentation. Objectif, tester la réaction d’objets d’art lors de séismes.
Les bustes antiques sont plus que malmenés. Ils résistent et ne tombent pas en mille morceaux par terre. Mais après une matinée d’essais, ils portent les stigmates des secousses répétées. Heureusement, il ne s’agit que de répliques de statues et de simulations sismiques. Depuis le 17 février et jusqu’à vendredi prochain, le centre Tamaris du CEA (Commissariat à l’énergie atomique) de Saclay accueille une équipe de scientifiques chargés d’étudier comment réagissent les œuvres d’art aux séismes.
Le projet est financé par des fonds européens. Le CEA, partie prenante, fournit l’accès à Tamaris, qui a installé dans le bâtiment 603 une plateforme expérimentale exceptionnelle : quatre tables vibrantes qui permettent de simuler des séismes de façon tridimensionnelle. Installées sur une sorte de grosse dalle de béton totalement isolée pour que les ondes n’impactent pas le reste du bâtiment et les autres infrastructures sensibles du site de Saclay. Pour étudier l’impact des secousses, les statues sont disposées sur Azalée, la plus grande table vibrante (6 mètres par 6 mètres).
Avant de faire trembler les bustes de marbre blanc, l’équipe doit préparer les simulations. En bas, Michel Le Corre, technicien mécanique, est au plus près des statues. Dans la salle de commande située au-dessus s’activent Vincent Crozet, ingénieur chercheur, Sandra Vasic, technicienne instrumentation et pilotage de la table vibrante, Thierry Chaudat, ingénieur essai, ainsi que deux chercheurs grecs Ioannis Politopoulos et Michalis Fragiadakis.
« Nous avons aussi des laboratoires en Grèce, explique Michalis Fragiadakis, maître assistant à l’université d’Athènes. Mais la plateforme du CEA est la plus grande d’Europe. En 2017, un grave tremblement de terre a touché l’île grecque Kos. Deux personnes ont perdu la vie et des dizaines ont été blessées. Toutes les collections d’art ont été détruites. Comme pour les populations et pour les habitations, nous pouvons mettre en place des processus pour protéger les objets d’art et les musées. »
Mieux protéger ces œuvres d’art
C’est l’objectif des recherches en cours à Tamaris. L’équipe étudie si les systèmes de protection développés par certains musées depuis une vingtaine d’années sont efficaces. À savoir, un isolateur placé sur un plancher de musée pour sécuriser plusieurs objets d’art en même temps.
Pas la peine de demander quelle magnitude sur l’échelle de Richter les séismes simulés au CEA atteignent. « Nous ne raisonnons pas en ces termes, précise Vincent Crozet. Nous regardons plutôt les accélérations des structures. » C’est ainsi qu’en simulant « Emilia », un séisme qui a secoué une région de l’Italie en 2012, les statues sont soumises jusqu’à 0,4 g (des mesures relevées dans des zones très sismiques comme au Japon ou en Turquie).
Aucune ne se fracasse par terre, mais c’est limite pour quelques-unes. Et certains bustes n’en sortent pas indemnes avec des éclats et des fissures. Autant de résultats, de données collectées grâce aux capteurs posées sur les statues, d’images et de vidéos qui vont devoir être analysées pour pouvoir permettre ensuite de tirer des conclusions qui pourront aiguiller les industriels vers des systèmes de protection encore plus efficients.